La lutte antidopage est au centre des discussions depuis plusieurs jours avec la révélation du rapport de la commission d’enquête du sénat français. Selon vous, quel est le levier essentiel dans cette lutte ?

 

La grande problématique de la lutte antidopage, ce sont les moyens alloués aux laboratoires et à la recherche. Il faut leur permettre de combattre la longueur d’avance que détiennent les tricheurs, afin de pouvoir sanctionner en temps réel et non pas 15 ans après. Il faut mettre ces moyens en musique, que ce ne soit pas « saupoudré ». L’idéal serait de concentrer un gros investissement sur un laboratoire ou deux. Si la France veut rester un élément moteur dans la lutte anti-dopage mondiale, il faut considérablement augmenter le budget de la recherche et en faire une priorité.

 

Et faire plus de contrôles ?

 

Il y en a déjà beaucoup. Dans le rapport du Sénat, il est dit que faire des contrôles permettant de déceler la présence de plus de substances différentes engendrerait un coût qui réduirait ce nombre de contrôles : il ne faut se mettre de freins, sinon on n’est pas dans la philosophie avancée par la commission d’enquête. Le radar doit être encore plus efficace et il n’y a pas d’autre solution que d’augmenter le financement. Il faut des contrôles améliorés et qui ne soient pas moins nombreux. En résumé : des moyens adaptés, une panoplie adaptée, un panel de sanctions adapté.

 

Le MPCC a en ce sens demandé à l’AMA de passer à des suspensions de quatre ans.

 

Comme beaucoup, nous nous impliquons pour que des augmentations de sanctions soient effectivement décidées. Nous avons aussi demandé à l’AMA d’introduire le tramadol dans la liste des produits interdits. Il nous a été répondu que ce serait à l’ordre du jour de la réunion du mois d’août. Il faut que l’AMA aille dans la direction souhaitée par tout le monde : passer à des suspensions de quatre ans minimum, réintroduire les tests de cortisolémie… L’AMA, c’est notre gouvernement supranational de l’antidopage. On a voulu quelque chose d’indépendant suite à l’affaire Festina, qui soit international et « inter sports », avec pour but que toutes les disciplines aient la même liste de produits interdits et les mêmes sanctions. Est-ce que ça a marché ? La réponse est non. Les règlements ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Dans certains sports, on ne fait pas de géolocalisation, on n’est pas passé au passeport biologique. La mission, c’est d’avoir pour de vrai une même liste, un même règlement, les mêmes sanctions et une même application des règles dans tous les sports.

 

 

(Voir ci-contre la répartition des contrôles anti-dopage par sports, © AMA)

 

Une demande a aussi été formulée au Ministère français des sports pour réintroduire les tests de cortisolémie. Qu’en est-il de cette demande ?

 

L’état français est membre de l’AMA, la Ministre des Sports siège au conseil : il faut qu’ils demandent d’appliquer tout ça, avoir un rôle d’intermédiaire et de messager. Or quand l’on écrit à la Ministre, il nous est répondu qu’il faut voir directement avec l’AMA… Le ministère est d’accord avec nous et dit : il faut que l’AMA le fasse. Très bien, dont acte. En attendant, le MPCC, avec la Ligue nationale française de cyclisme et la fédération, a contrôlé la cortisolémie à Paris-Nice, aux 4 jours de Dunkerque, au Critérium du Dauphiné et deux fois sur le Tour de France, dans le cadre de la santé et sur la base du volontariat. C’est donc faisable.

 

Le Sénat a dévoilé une liste de coureurs contrôlés positifs a posteriori sur les Tours de France 1998 et 1999. En quoi cela sert-il la lutte antidopage ?

 

Qu’il y ait des garçons qui ont pris de l’EPO en 1998, ce n’est pas un scoop. Certains avaient été confondus, d’autres avaient déjà avoué. La vraie question, c’est : qu’est-ce que l’on fait maintenant ? Aujourd’hui, il faut bien se rendre compte que l’efficacité de la lutte antidopage est à des années lumières de ce qu’elle était il y a quinze ans. En 1998, on ne contrôlait que l’urine. En novembre 1996, ensemble avec Jean-Marie Leblanc, Directeur du Tour de France, Daniel Baal, Président de la Fédération Française de Cyclisme, et moi-même, Président de la Ligue, nous avions demandé, dans une lettre ouverte, au CIO, à l’UCI et au Ministère, d’ajouter les contrôles sanguins à la panoplie de la lutte anti-dopage. Sont ensuite venus les contrôles inopinés, les contrôles hors-compétition, la géolocalisation, le passeport biologique, le dépistage de l’EPO et d’autres substances. La panoplie a complètement évolué. Le cyclisme est de loin devenu le sport où il y a le plus de contrôles. Sur le Tour de France, il y en a eu plus de 500 via l’UCI et l’AFLD, ainsi que 116 par le MPCC. Les 14 équipes membres participantes étaient complètement derrière nous et notre réglementation. L’étroite collaboration a permis de réaliser les tests de cortisolémie de façon efficace et sereine. Le futur doit être différent, et il le sera avec des équipes, des managers et des coureurs qui s’engagent.